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Ma modestie est grande. Quand elle se hausse sur les pointes, elle arrive presque au nombril de mon orgueil.
Voici le jour que fit le Seigneur, jour de fête et de joie, alléluia, dit le chant d’entrée tout au long de l’octave de Pâques. Nous savons bien que les octaves suivent une grande fête, des fêtes qui pour ainsi dire ne se résignent pas à prendre fin, mais entendent se prolonger, tant elles sont importantes. Actuellement, après la réforme liturgique, il n’en subsiste plus que deux : Noël et Pâques. Voilà pourquoi l’Église peut parler du “Jour”, car la semaine actuelle ne fait, de facto, qu’un seul jour. Tous les textes liturgiques (aussi bien pour la messe que pour le Bréviaire) se rapportent à Pâques, et priment sur toute autre célébration. Aucune autre fête ne peut être commémorée ni célébrée, toutes devant s’effacer. Pourquoi en est-il ainsi dans notre Liturgie ? À mon humble avis, parce que Dieu, ayant décidé d’entrer dans le temps humain, joue sur deux mots, en réalité deux unités de ce temps : l’heure et le jour. Dès lors, nous trouvons dans la vie liturgique de l’Église ces deux expressions : le Jour du Seigneur et l’Heure du Christ.
Les semaines de Carême nous ont aidés à préparer “l’heure du Christ” (cf. Jn 12, 27), l’heure de son sacrifice le Vendredi Saint, sur la Croix, qui était et reste pour nous l’heure de notre rédemption. Grâce surtout au Triduum pascal, les derniers jours de la Semaine Sainte, plus encore à la grande fête de Pâques, nous avons essayé de vivre intensément cette heure, absolument décisive pour l’humanité. Or, c’était aussi pour nous l’heure de renouveler notre détermination d’aller jusqu’au bout de notre vocation chrétienne. Pour sa part, la grande fête de Pâques nous a fait entrer dans « le Jour que fit Seigneur ». Et ce jour merveilleux, nous allons le prolonger pendant sept semaines, jusqu’à la Pentecôte, le 19 mai, car c’est le jour de sa Résurrection, de sa victoire sur le péché et sur la mort. Le jour de notre propre victoire, faudrait-il ajouter, dans la mesure où nous essayons d’être spirituellement unis à l’heure du Christ.
L’Évangile choisi pour ce jeudi de l’Octave suit le bien connu passage des disciples d’Emmaüs, un des plus beaux et des plus tendres de l’Évangile. Nous l’avons lu et médité hier, et il est sûr que nous avons fait nôtre la belle demande que Cléophas a adressée au Christ : Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse (Lc 24, 29). N’avons-nous pas là l’aspiration la plus radicale et profonde du cœur humain ? Aujourd’hui nous trouvons la suite : le retour des deux disciples au Cénacle, leur récit et, surtout, l’apparition de Jésus. Dès son arrivée, le Seigneur leur dit : La paix soit avec vous. À l’époque, sur la terre sainte, c’était la formule habituelle de salutation. Il a certainement prononcé le mot « Shalom », dans la langue qu’ils parlaient. Wikipédia dit que c’est un mot hébraïque qu’on rend le plus souvent en français par « paix ». Il peut s’agir de la paix entre deux individus ou entités (particulièrement entre Dieu et l’homme), ou de la paix intérieure, du calme, de la sérénité d’un individu. Notre Seigneur leur a certainement souhaité la paix de l’âme, la plus importante.
Compte tenu de l’unité interne des Écritures, donc des Évangiles, pour bien saisir la portée de cette salutation nous pouvons penser à une des Béatitudes qui, dans l’Évangile selon saint Matthieu, ont ouvert le Sermon sur la montagne : Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu (Mt 5, 9). L’apparition du Seigneur le soir de la Résurrection a apporté la paix et la joie à ses apôtres (cf. Lc 24, 41). C’est donc là que nous sommes invités à faire un examen personnel. Sommes-nous pour les autres, surtout les plus proches, des « artisans de paix » ? Notre présence, c’est-à-dire nos propos et nos attitudes leur apportent-ils la paix et la joie ? Disons-le sans l’ombre dans doute : il le faudrait, sous peine d’être de mauvais disciples du Maître, donc de mauvais chrétiens. Peut-être des chrétiens vivant plus ou moins à fond dans une certaine tiédeur. Soyons donc sincères, surtout vis-à-vis du Seigneur dans nos moments de prière, entre quatre yeux.
La réponse à la question n’est pas trop difficile à trouver. Il suffit de penser à nos réactions habituelles dans nos rapports avec les autres : d’abord les plus proches (famille, milieu professionnel et social, etc.) ; mais aussi dans notre vie quotidienne : au volant d’une voiture, dans les transports, les démarches administratives, les emplettes, et j’en passe. N’est-il pas vrai, en effet, que nous avons tous tendance à vouloir dire le dernier mot, à nous emporter et à hausser le ton, à tenir des propos risquant de blesser nos interlocuteur ? C’est dans notre nature, quelle que soit notre personnalité. Lorsque nous partons, laissons-nous derrière nous des gens en paix ou bien troublés, humiliés (surtout lorsqu’ils ont tort et nous raison), en tout cas plus ou moins désarçonnés ? Si c’est le cas, nous devons changer, demander à Dieu de nous donner son esprit de paix, de nous aider à mieux gérer nos états d’âme, nos passions personnels.
Comme il serait bon que nous soyons effectivement des artisans de paix, bien sûr dans la mesure sans doute faible de nos moyens, avec peut-être l’impression que ce n’est qu’une petite goutte d’eau à côté d’un océan. Surtout au vu de la situation du monde, les conflits, les guerres et à un niveau plus modeste notre vie dans la cité, souvent dominée par une sorte de hargne, toujours désagréable. Mais les gouttes d’eau ne font-elles pas les ruisseaux, ceux-ci les rivières, qui à leur tour, font le fleuves et finalement la mer ou l’océan ? N’oublions jamais le modeste apport d’un enfant (quelques pains et poissons) que Notre Seigner a multiplié pour donner à manger à des milliers de personnes. Nos petits efforts quotidiens, le Seigneur est aussi capable de les multiplier pour faire de nous de véritables artisans de paix.
Nous pouvons confier cette intention à notre Mère du ciel, invoquée dans les litanies comme « Reine de la paix ».