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Confronté à la roche, le ruisseau l'emporte toujours, non par la force, mais par la persévérance.
Je vous ai dit ces choses maintenant, avant qu’elles n’arrivent ; ainsi, lorsqu’elles arriveront, vous croirez
Dans l’intimité de la dernière Cène, Notre Seigneur, une fois de plus, prévient ses apôtres de l’issue, douloureuse dans un premier temps, de sa présence au milieu d’eux, afin que le drame de sa passion n’en vienne pas à les désaxer. Il aurait souhaité qu’en chacun d’eux se réalise ce processus d’intériorisation du sens rédempteur de sa mission, comme ce sera le cas pour les disciples d’Emmaüs lors de son échange avec eux sur le chemin. Mais déjà ici, au Cénacle, il leur promet l’Esprit Saint, qui leur sera envoyé après sa résurrection : il vous enseignera tout (Jn 14, 25).
L’année jubilaire est centrée sur l’espérance. Espérer, c’est regarder au-dessus de l’horizon du quotidien, des contrariétés inévitables de nos journées et des aléas de l’existence. C’est une vertu « performative » qui habilite à vivre différemment, d’une vie nouvelle qui a déjà été donnée » (Spe Salvi, n°2) : elle nous fait désirer le paradis, mais aussi demander les moyens de s’y acheminer : à titre individuel, par la prière persévérante, le travail sanctifié, l’ouverture à autrui qui cautionne notre vocation d’évangélisateurs ; et à titre communautaire, par l’unité des familles, la décence des mœurs, le respect de la vie, la liberté religieuse… Mais souvent, la dureté des circonstances nous afflige. Comprenons alors que l’espérance nous engage à insister davantage : « mon Dieu, j’espère avec une ferme confiance que tu me donneras, par les mérites de Jésus-Christ, ta grâce dans ce monde, et la vie éternelle dans l’autre, parce que tu l’as promis et que tu tiens toujours tes promesses».
À la différence de l’espoir, simple supputation d’un avenir aléatoire que nous aimerions voir se réaliser, l’espérance chrétienne est une certitude. Comme les deux autres vertus théologales, elle est confortée par les promesses de Dieu qui ne peut ni se tromper, ni nous tromper. Les premiers chrétiens l’ont souvent représentée sur les parois des catacombes ou de leurs sarcophages, par une image marine, une ancre : son rôle est de s’accrocher au rocher, à savoir le Christ, figuré par un poisson. L’espérance, en effet, s’enracine dans la foi : je suis sûr de ta Parole, Seigneur ; je peux donc suivre avec confiance la voie que tu m’indiques.
Dans cette perspective, le chrétien accepte d’être, dans le monde, un signe de contradiction, et d’endurer incompréhension, calomnies, persécutions… Pour autant, il ne s’agit pas d’être doloristes, mais réalistes : un serviteur n’est pas plus grand que son maître. Si l’on m’a persécuté, on vous persécutera, vous aussi (Jn 15, 20). Au début du IIIe siècle, sainte Félicité, cette jeune esclave récemment baptisée, nous donne l’exemple d’une foi limpide et d’une espérance sans faille : enceinte de huit mois lors de son arrestation, elle ne pouvait, selon la loi romaine, être suppliciée qu’après sa délivrance. Ses frères et sœurs dans la foi étaient condamnés à être jetés aux fauves, le jour des jeux, dans l’amphithéâtre de Carthage. Elle redoutait de rester seule, sur le chemin de l’espérance, à attendre la date de son exécution dans l’ambiance délétère de sa prison. Alors, tous s’unirent dans une supplication commune pour hâter le terme de sa grossesse... Aussitôt commencèrent les douleurs de son enfantement. Un des geôliers l’invectiva cruellement :
– « Si tu gémis ainsi maintenant, que feras-tu quand tu seras livrée aux bêtes ?
– Maintenant, c’est moi qui souffre ; mais là-bas, il y en aura un autre en moi qui souffrira pour moi car, moi aussi, je dois souffrir pour Lui » ! Félicité mit au monde une fille qu’une chrétienne adopta pour l’élever comme sa fille (rédacteur anonyme du martyre).
« Redressez-vous, relevez la tête car le jour de votre rédemption est proche » : la liturgie nous serine ce refrain à longueur d’année… ; avec raison, pour que nous fixions la ligne surnaturelle de l’horizon. Aussi, sereinement , pouvons-nous dire avec saint Paul : quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien (Rm 8, 28).