Homélie du pape François à la chapelle Sainte Marthe � 16 avril 2020

Homélie du pape François à la chapelle Sainte Marthe � 16 avril 2020

Ces jours-ci, on m’a reproché d’avoir oublié de remercier un groupe de personnes : j'ai remercié les médecins, les infirmières, les bénévoles... « Mais vous avez oublié les pharmaciens ! » : eux aussi travaillent dur pour aider les malades à se soigner. Prions pour eux aussi.

 

Ces jours-ci, à Jérusalem, les sentiments des gens étaient bien variés : la peur, l'étonnement, le doute. Après la guérison de l’infirme de la “Belle porte”, les gens étaient frappés de stupeur et désorientés devant ce qui lui était arrivé (…) Les gens étaient stupéfaits. Ils étaient inquiets parce qu’ils ne comprenaient pas ce qui se passait.

Le Seigneur est allé trouver ses disciples. Eux savaient qu'il était ressuscité, Pierre le savait aussi parce qu'il lui avait parlé ce matin-là. Les deux pèlerins d'Emmaüs le savaient, mais lorsque le Seigneur leur est apparu, ils ont eu peur : saisis de frayeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit. Les disciples avaient fait la même expérience sur le lac quand Jésus avait marché sur les eaux. Mais ce jour-là, Pierre avait défié le Seigneur : si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux.

Dans l’évangile d’aujourd’hui, Pierre est silencieux ; il a parlé avec le Seigneur ce matin-là, mais personne ne sait ce qu'ils s'étaient dit, et c'est pourquoi il reste silencieux. Les apôtres, eux, avaient peur, ils étaient bouleversés et croyaient voir un fantôme. Jésus leur dit : Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées qui surgissent dans votre cœur ? Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! (…) Après cette parole, il leur montra ses mains et ses pieds.

Les plaies de Jésus : ce trésor que Jésus a emmené au Ciel pour le montrer à son Père et intercéder pour nous. Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os comme vous constatez que j’en ai. Et puis il y a cette phrase qui me donne tant de consolation et c’est pourquoi, ce passage de l'Évangile est l'un de mes préférés : dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire. Ils sont encore bouleversés, et la joie les empêche de croire. Leur joie est telle que « non, cela ne peut pas être vrai. Cette joie n'est pas réelle, elle trop forte". Et elle les a empêchés de croire. La joie. Une grande joie. Ils étaient pleins de joie et comme paralysés par la joie.

Or la joie est l'un des souhaits de Paul pour son peuple, à Rome : Que le Dieu de l'espérance vous remplisse de toute joie. Se remplir de joie, être pleins de joie. C'est l'expérience de la plus grande consolation, quand le Seigneur nous fait comprendre que la joie, c'est autre chose que d'être content, positif, lumineux... Non, c'est autre chose. Être joyeux... pleins de joie, d’une joie débordante qui nous saisit vraiment. Et c'est pourquoi Paul souhaite aux Romains que le Dieu de l'espérance vous remplisse de joie. Cette expression, se remplir de joie, revient souvent, très souvent. Comme par exemple dans la prison lorsque Paul laisse la vie sauve au gardien qui était sur le point de se suicider parce qu’un tremblement de terre avait ouvert les portes : il lui annonce l'Évangile, le baptise, et le geôlier, dit la Bible, laissa déborder sa joie de croire en Dieu. Il en va de même pour haut fonctionnaire de la reine Candace : ils descendirent dans l’eau tous les deux, et Philippe baptisa l’eunuque. Quand ils furent remontés de l’eau, l’Esprit du Seigneur emporta Philippe ; l’eunuque ne le voyait plus, mais il poursuivait sa route, tout joyeux. La même chose s'est produite le jour de l'Ascension : les disciples retournèrent à Jérusalem, dit la Bible, en grande joie. C'est la plénitude de la consolation, la plénitude de la présence du Seigneur.

Car, comme le dit Paul aux Galates, la joie est le fruit de l'Esprit Saint, et non pas la conséquence d'émotions provoquées par quelque chose de merveilleux... Non, c'est plus que cela. Cette joie, cette joie qui nous remplit, est le fruit de l'Esprit Saint. Sans l'Esprit, vous ne pouvez pas avoir cette joie. Recevoir la joie de l'Esprit est une grâce. Je me rappelle les derniers paragraphes de l'Exhortation Evangelii Nuntiandi de Paul VI, lorsqu'il parle de chrétiens joyeux, de joyeux évangélisateurs, et « non d’évangélisateurs tristes et découragés, impatients ou anxieux ». Aujourd'hui est un bon jour pour relire ce texte.

Pleins de joie. C'est ce que nous dit la Bible : dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire. Il y a un passage du livre de Néhémie qui nous aidera dans cette réflexion sur la joie. Le peuple est retourné à Jérusalem et a retrouvé le livre de la Loi – ils connaissaient la loi par cœur mais ils avaient perdu le livre de la Loi – ; ils organisent une grande fête et tout le peuple se réunit pour écouter le prêtre Esdras lire le livre de la Loi. Les gens étaient émus et pleuraient, ils pleuraient de joie... Lorsque le prêtre Esdras eut terminé, il leur dit : Ne vous affligez pas : la joie du Seigneur est votre rempart ! Cette parole du livre de Néhémie nous aidera aujourd'hui. La grande force que nous avons pour transformer, pour prêcher l'Évangile, pour témoigner, c’est la joie du Seigneur, fruit de l’Esprit Saint. Nous lui demandons aujourd’hui de nous l’accorder.