Homélie du pape François lors de la Veillée pascale � 11 avril 2020

Homélie du pape François lors de la Veillée pascale � 11 avril 2020

Le Seigneur qui veut rester avec nous dans l'Eucharistie : telle est la réalité que nous vivons aujourd'hui, dans cette célébration. Nous devenons des tabernacles du Seigneur, nous emmenons le Seigneur avec nous, au point qu'il nous dit lui-même que si nous ne mangeons pas son Corps et ne buvons pas son Sang, nous n'entrerons pas dans le Royaume des Cieux. Quel mystère que ce pain et ce vin, le mystère du Seigneur avec nous, en nous, à l’intérieur de nous-mêmes.

Le service. Ce geste est une condition pour entrer dans le Royaume des Cieux. Servir, servir tout le monde. Mais le Seigneur, dans cet échange avec Pierre que nous rapporte l’évangile, nous fait comprendre que pour entrer dans le Royaume des Cieux, nous devons laisser le Seigneur nous servir, laisser le Serviteur de Dieu être notre serviteur. Et cela est difficile à comprendre. Si je ne laisse pas le Seigneur être mon serviteur, si je ne laisse pas le Seigneur me laver, me faire grandir, me pardonner, je n'entrerai pas dans le Royaume des Cieux.

Le sacerdoce. Aujourd'hui, je voudrais être proche des prêtres, de tous les prêtres, depuis le dernier ordonné jusqu’au Pape. Nous sommes tous prêtres. Les évêques et tous les prêtres... nous sommes oints, oints par le Seigneur ; oints pour l'Eucharistie, oints pour servir.

Aujourd'hui, il n'y a pas de Messe chrismale. J'espère que nous pourrons la célébrer avant la Pentecôte, sinon nous devrons la reporter à l'année prochaine ; mais je ne peux pas laisser passer cette Messe sans me souvenir des prêtres. Les prêtres qui offrent leur vie pour le Seigneur, les prêtres qui sont des serviteurs. À l’heure actuelle, plus de soixante d’entre eux sont morts ici, en Italie, en s’occupant des malades dans les hôpitaux, des médecins, des infirmières et des infirmiers... Ce sont "les saints de la porte d'à côté", ces prêtres qui ont donné leur vie en servant. Et je pense à ceux qui sont loin d’ici, comme ce franciscain, aumônier de prison, qui m’écrit pour me raconter comment il vit cette Semaine Sainte avec les détenus. Des prêtres qui sont partis pour porter l'Évangile et meurent, au loin. Un évêque me racontait que la première chose qu'il fait, quand il arrive sur un lieu de mission, c’est se rendre au cimetière sur la tombe des prêtres, jeunes, qui sont morts à cause de la peste ou d’une maladie locale car ils n'étaient pas préparés, ils n'avaient pas d'anticorps. Personne ne connaît leur nom : ce sont des prêtres anonymes. Les curés de campagnes, qui ont quatre, cinq, sept clochers, dans les montagnes, et qui vont de l'un à l'autre, et sont proches des gens... Une fois, l'un d'entre eux m'a dit qu'il connaissait le nom de tous les gens des villages. "Vraiment ?" lui ai-je dit. Et il a ajouté : "Même le nom des chiens !" Ils connaissent tout le monde. C’est cela la proximité sacerdotale. De bons prêtres, de bons prêtres.

Aujourd'hui, je vous prends dans mon cœur et vous dépose sur l'autel. Prêtres calomniés. Cela arrive souvent aujourd'hui, ils ne peuvent pas sortir dans la rue parce qu’on les insulte, à cause de ces drames que nous avons vécus en découvrant le mauvais comportement de certains prêtres. Certains m'ont dit qu'ils ne peuvent pas porter le clergyman parce qu’ils se font insulter ; mais ils sont fidèles. Ils sont prêtres et pécheurs, avec les évêques et le Pape, pécheurs aussi, et ils n'oublient pas de demander pardon, et ils apprennent à pardonner, car ils savent qu'ils ont besoin de demander pardon et de pardonner. Nous sommes tous des pécheurs. Des prêtres qui souffrent de cette crise, et ne savent pas quoi faire, ils sont dans le noir...

Aujourd'hui, vous êtes tous, mes frères prêtres, vous êtes tous avec moi sur l'autel, vous les consacrés. Je ne vous dis qu'une chose : ne soyez pas têtus comme Pierre. Laissez Jésus vous laver les pieds. Le Seigneur est votre serviteur, il est proche de vous pour vous donner la force, pour vous laver les pieds.

Et ainsi, avec cette conscience que vous avez besoin d'être lavés, soyez de grands pardonneurs ! Pardonnez ! Ayez un grand cœur généreux quant au pardon. C'est à cette aune que nous serons mesurés. Comme vous avez pardonné, vous serez pardonnés : avec la même mesure. N'ayez pas peur de pardonner. Parfois, nous avons des doutes... Regardez le Christ sur la Croix : là se trouve le pardon, pour tous. Soyez courageux ; prenez des risques, pardonnez, consolez. Et si vous ne pouvez pas pardonner sacramentellement à ce moment-là, consolez au moins comme un frère qui accompagne et laisse la porte ouverte pour que la personne revienne.

Je remercie Dieu pour la grâce du sacerdoce, nous remercions tous. Je remercie Dieu pour vous, les prêtres. Jésus vous aime ! Il vous demande seulement de le laisser vous laver les pieds.