Homélie du pape François à Sainte Marthe � 8 avril 2020

Prions aujourd'hui pour ces personnes qui, en cette période de pandémie, font du commerce avec ceux qui sont dans le besoin et qui en profitent : les mafieux, les escrocs et tant d'autres. Que le Seigneur touche leur cœur et qu’ils se convertissent.

 

Le mercredi saint est également appelé "mercredi de la trahison", le jour où l’Église évoque la trahison de Judas, ce Judas qui vend le Maître.

Vendre des gens…  Cela nous fait penser au commerce des esclaves en Afrique que l’on emmenait en Amérique ou au commerce, par exemple, des jeunes filles Yézidis vendues à Daesh : c’est de l’histoire ancienne, certes, mais cela arrive aussi aujourd’hui .... Tous les jours. Il y a des Judas qui vendent leurs frères et leurs sœurs, en les exploitant au travail, en ne leur versant pas le juste salaire, en négligeant leurs devoirs... Ils vont même jusqu’à augmenter les prix, si souvent. Et je dirais même que lorsque que quelqu’un place ses parents dans une maison de retraite pour ne plus les voir et mener ainsi une vie plus confortable, c’est comme s’il les vendait. Il y a même une expression qui décrit ce genre d’attitude en disant “qu’il est capable de vendre père et mère”, et c’est ce qu’ils font : ils les envoient loin pour être tranquilles et ils disent : "Prenez bien soin d'eux ...".

De nos jours, le commerce humain existe, comme au début : c’est un fait. Pourquoi ? Jésus l’a dit en donnant ses “lettres de noblesse” à l'argent : Vous ne pouvez pas servir Dieu et l'argent, deux maîtres. C'est le seul élément que Jésus place au même niveau et chacun de nous doit choisir : soit tu sers Dieu, et tu seras libre pour adorer et pour servir ; soit tu sers l'argent, et tu seras esclave de l'argent. Voilà l’alternative ; et beaucoup de gens veulent servir Dieu et l'argent. Et cela n’est pas possible. Ils finissent par faire semblant de servir Dieu pour servir l'argent. Ce sont des profiteurs masqués, socialement impeccables, mais qui font du commerce en dessous de table, y compris avec les personnes : peu leur importe. L'exploitation humaine consiste à vendre les autres.

Judas n’est plus là, mais il a fait des disciples, qui à vrai dire ne sont pas ses disciples mais les disciples du diable. Quelle était la vie de Judas, on ne le sait pas. C’était peut-être un jeune normal, qui se posait des questions, et le Seigneur l'a appelé pour être son disciple. Mais il n’y est jamais arrivé : sa bouche et son cœur n’étaient pas ceux du disciple tel qu’il est décrit dans la première lecture. C’était un disciple faible mais Jésus l'aimait... Dans l'Évangile nous comprenons aussi qu'il aimait l'argent : chez Lazare, lorsque Marie oint les pieds de Jésus avec ce parfum coûteux, c’est lui qui fait des réflexions, que saint Jean a notées : Il parla ainsi, non par souci des pauvres, mais parce que c’était un voleur. Il a enfreint les règles par amour de l'argent : il a volé, et du vol à la trahison il n’y a qu’un pas, un tout petit pas. Celui qui aime trop l'argent trahit pour en avoir davantage, toujours ; c'est une règle, c'est comme ça. Le jeune Judas était peut-être bon, il avait peut-être de bonnes intentions, mais il finit par trahir pour aller marchander et vendre : Alors, il se rendit chez les grands prêtres et leur dit : « Que voulez-vous me donner, si je vous le livre ? ». À mon avis, il n’avait plus toute sa tête.

Ce qui attire mon attention, c'est que Jésus ne l’a jamais traité de "traître" ; il a dit qu’on le trahirait, mais il ne l’a jamais traité Judas de "traître". Il ne lui dit pas : “Va-t’en, traître". Jamais ! En fait, il l’appelle "Ami" et il l'embrasse. Judas est un mystère. En quoi consiste ce mystère ? Je ne sais pas... Don Primo Mazzolari l'a mieux expliqué que moi... Oui, cela me réconforte de contempler ce chapiteau à Vézelay [sur un chapiteau médiéval qui se trouve dans la Basilique Sainte Marie Madeleine à Vézelay, on y voit d’un côté Judas pendu, les yeux ouverts, la langue dehors, et de l’autre le Bon Pasteur. Et si l’on regarde attentivement le visage du Bon Pasteur, ses lèvres sont tristes d’un côté, mais de l’autre côté elles arborent un sourire]. Comment Judas a-t-il fini ? Je ne sais pas. La menace de Jésus est forte : malheureux celui par qui le Fils de l’homme est livré ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né, cet homme-là ! Mais cela signifie-t-il que Judas est en enfer ? Je ne sais pas. Je regarde le chapiteau. Et j'entends ce que lui dit Jésus : "Ami".

Mais cela nous fait penser à autre chose, plus réel, plus actuel : le diable est entré dans Judas, et c'est lui qui l'a conduit. Et à la fin ? Le diable est un mauvais payeur, il n'est pas fiable. Il promet tout, il montre tout et, à la fin, il te laisse seul avec ton désespoir pour te pendre.

Le cœur de Judas, agité, tourmenté par la cupidité et tourmenté par l'amour pour Jésus – un amour qu’il n'a pas réussi à concrétiser – revient vers les prêtres, l’esprit embrouillé, en demandant pardon, pris par le remords. Que nous importe ? Cela te regarde ! : voilà comment parle le diable, et il le laisse seul avec son désespoir.

Pensons à tous ces Judas institutionnels qu’il y dans le monde, qui exploitent les gens. Et pensons aussi au petit Judas que chacun d'entre nous risque d’être lorsqu’il s’agit de choisir entre la loyauté et l'intérêt. Chacun d'entre est capable de trahir, de vendre, de choisir son propre intérêt. Chacun de nous a la possibilité de se laisser attirer par l'amour de l'argent ou des biens matériels ou du bien-être futur. "Judas, où es-tu ?" Mais cette question je l’adresse à chacun d'entre nous : "Toi, Judas, le petit Judas qui est en moi : où es-tu ?

Prière pour la communion spirituelle :

Je me prosterne à tes pieds, ô mon Jésus, et je t'offre le repentir de mon cœur contrit qui s’abaisse dans son néant et en ta sainte présence. Je T’adore dans le sacrement de ton Amour. Je désire te recevoir dans la pauvre demeure que t’offre mon cœur. Dans l'attente du bonheur de la communion sacramentelle, je veux Te posséder en Esprit. Viens à moi, ô mon Jésus, et que je vienne à Toi. Que ton amour enflamme tout mon être, pendant ma vie et au moment de la mort. Je crois en Toi, j'espère en Toi, je T'aime. Amen.