Homélie du pape François à Sainte Marthe � 4 avril 2020

Homélie du pape François à Sainte Marthe � 4 avril 2020

Dans ces moments troublés et difficiles, douloureux, il y a beaucoup de gens qui arrivent à faire d’autres choses, beaucoup de bonnes choses. Mais il y en a d’autres qui font de moins bonnes choses, qui cherchent à profiter du moment présent, pour eux-mêmes et pour gagner de l’argent. Prions aujourd'hui pour que le Seigneur nous donne à tous une conscience droite, transparente, que Dieu puisse nous regarder sans que nous ayons honte.

 

Depuis quelque temps, les docteurs de la Loi, et les grands prêtres aussi, s'agitent parce qu'il se passe des choses étranges dans le pays. Il y a d'abord eu Jean (Baptiste), qu’ils ont finalement laissé tomber parce que c’était un prophète, qu’il ne faisait que baptiser et qu’ensuite les gens partaient, et cela n’avait pas de conséquence. Puis est arrivé ce Jésus, signalé par Jean. Il a commencé à opérer des signes, à faire des miracles, mais surtout à parler au peuple, et le peuple le comprenait et le suivait, sans toujours observer la loi, ce qui a beaucoup dérangé les autorités : “c'est un révolutionnaire, un révolutionnaire pacifique...” : si nous le laissons faire, tout le monde va croire en lui. Et ils ont commencé à parler entre eux : “Mais regarde-le, regarde ce qu’il fait, je n'aime pas telle chose, ni telle autre...” ; les conversations allaient bon train, ils se faisaient même du souci.

Et alors certains sont allés le trouver pour le mettre à l’épreuve. Mais le Seigneur avait toujours une réponse claire à laquelle eux, les docteurs de la Loi, n'avaient pas pensé. Pensons à cette femme qui s’était mariée sept fois, et était restée veuve sept fois : Eh bien, à la résurrection, cette femme-là, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse, puisque les sept l’ont eue pour épouse ? La réponse de Jésus fut claire et ils ont eu un peu honte face à sa sagesse. Un autre jour ils ont dû partir, humiliés, comme lorsqu'ils voulurent lapider cette femme adultère et que Jésus leur dit : Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. L'Évangile ajoute qu’après avoir entendu cela, s’en allaient un par un, en commençant par les plus âgés. Cela n’a fait qu’envenimer la conversation : “Nous devons faire quelque chose, cela ne va pas...”. Alors ils ont envoyé des soldats pour le chercher mais ils sont revenus sans lui, en disant : « Jamais un homme n’a parlé de la sorte ! » Les pharisiens leur répliquèrent : « Alors, vous aussi, vous vous êtes laissé égarer ? Et ils se sont mis en colère parce que même les soldats n'avaient pas pu l'attraper.

Et puis, après la résurrection de Lazare – c’est l’évangile d’aujourd'hui – de nombreux Juifs sont allés voir Lazare et ses sœurs, mais c’était pour comprendre la situation, et ensuite ils allèrent trouver les pharisiens pour leur raconter ce qu’il avait fait. Certains ont cru en Lui, mais ces amateurs de ragots – il y en a toujours— sont allés parler mal de Lui. C’est alors ce groupe de docteurs de la Loi s'est réuni de manière formelle : « Qu’allons-nous faire ? Cet homme accomplit un grand nombre de signes – ils le reconnaissent – ; si nous le laissons faire, tout le monde va croire en lui, et les Romains viendront détruire notre Lieu saint et notre nation. ».

Ce n’était vrai qu’en partie, c'était plutôt une manière de se justifier, parce qu'ils avaient trouvé un équilibre avec l'occupant, qu’ils détestaient, mais politiquement ils avaient trouvé un compromis. Ils ont donc parlé entre eux. L'un d'entre eux, Caïphe – le plus radical – était le grand prêtre et leur dit : vous ne voyez pas quel est votre intérêt : il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas. Il était le grand prêtre et a donc proposé d’éliminer Jésus. Jean ajoute : ce qu’il disait là ne venait pas de lui-même ; mais, étant grand prêtre cette année-là, il prophétisa que Jésus allait mourir pour la nation. (…) À partir de ce jour-là, ils décidèrent de le tuer.

Ce fut tout un processus, qui a commencé avec peu d'anxiété à l'époque de Jean-Baptiste et qui s'est ensuite terminé au cours de cette réunion entre les docteurs de la Loi et les prêtres. Ce processus a pris de l'ampleur, au point de dépasser leurs pensées pour devenir une affirmation claire : “il faut le tuer”. Cette façon de procéder des docteurs de la Loi ressemble fortement à la façon dont la tentation agit en nous, car derrière cette tentation se cachait évidemment le diable qui voulait détruire Jésus. Or la tentation agit généralement ainsi en nous : elle commence avec pas grand-chose, un désir, une idée, puis elle grandit, elle devient contagieuse et à la fin elle se justifie. Ce sont les trois étapes de la tentation du diable, et ce fut le cas chez les docteurs de la Loi : elle a commencé petitement, mais elle a grandi, elle s'est développée, elle s’est transmise aux autres, elle a pris corps, et à la fin elle se justifie : il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas ; la justification totale.

Et ils sont tous rentrés chez eux tranquillement : “nous avons pris la bonne décision ". Et nous aussi, lorsque la tentation triomphe, nous sommes tranquilles, parce que nous avons trouvé une justification à ce péché, à cette attitude pécheresse, à cette vie non conforme à la loi de Dieu. Il faudrait que nous prenions l'habitude d’observer ce processus de la tentation en nous. Un processus qui nous fait passer du bien au mal dans notre cœur, qui nous fait glisser sur une pente descendante. C’est un processus qui grandit, se développe lentement, puis infecte les autres et finit par se justifier. Les tentations n’arrivent pas d'un coup, car le diable est rusé. Il sait quel chemin prendre, c’est celui qu’il l'a pris pour arriver à faire condamner de Jésus. Lorsque nous commettons un péché, nous devons aller demander pardon au Seigneur, bien sûr, et c'est le premier pas que nous devons faire, mais ensuite nous devons nous demander : “Comment en suis-je arrivé là ? Comment ce processus a-t-il germé dans mon âme ? Comment a-t-il grandi ? Qui ai-je infecté ? Et comment ai-je fini par me justifier”".

La vie de Jésus est toujours un exemple pour nous et ce qui arrivé à Jésus peut nous arriver : les tentations, les justifications, les bonnes personnes qui sont autour de nous et que nous ne voyons peut-être pas, et les mauvaises personnes dont nous nous rapprochons pour faire grandir la tentation. Mais n'oublions jamais : derrière un péché ou derrière une chute, il y a toujours une tentation qui était petite au début et qui a grandi, qui s’est infectée et qui a fini par trouver une justification pour chuter. Que le Saint-Esprit nous éclaire dans cette connaissance intérieure.

 

Prière pour la communion spirituelle :

Mon Jésus, je crois que tu es vraiment présent dans le Saint-Sacrement de l'autel. Je T'aime par-dessus tout et Te désire dans mon âme. Puisque je ne peux pas Te recevoir maintenant sacramentellement, viens au moins spirituellement dans mon cœur. Comme Tu es déjà venu, je T'embrasse et en toutes choses je m’unis à Toi. Ne permets que je me sépare de Toi.