Homélie du pape François à la chapelle Sainte Marthe � 7 mai 2020

Homélie du pape François à la chapelle Sainte Marthe � 7 mai 2020

Hier, j'ai reçu une lettre d'un groupe d'artistes : ils nous remerciaient pour la prière que nous avons faite pour eux. Je voudrais demander au Seigneur de les bénir parce que les artistes nous font comprendre ce qu'est la beauté, et sans beauté l'Évangile ne peut être compris. Prions encore une fois pour les artistes.

 

Lorsque Paul est invité à prendre la parole à la synagogue d'Antioche pour expliquer cette nouvelle doctrine, c'est-à-dire pour expliquer Jésus, pour annoncer Jésus, il commence par parler de l'histoire du salut. Paul se leva et commença : Le Dieu de ce peuple, le Dieu d’Israël a choisi nos pères ; il a fait grandir son peuple pendant le séjour en Égypte... et il a raconté tout le salut, l'histoire du salut. Étienne a fait de même avant son martyre, et Paul d’autres fois encore. L'auteur de la Lettre aux Hébreux fait de même lorsqu'il raconte l'histoire d'Abraham et de tous nos pères. Nous avons chanté la même chose aujourd'hui : L'amour du Seigneur, sans fin je le chante ; ta fidélité, je l'annonce d'âge en âge. Nous avons chanté l'histoire de David : J'ai trouvé David, mon serviteur. Matthieu et Luc font de même : lorsqu'ils commencent à parler de Jésus, ils commencent par la généalogie.

Qu'y a-t-il derrière Jésus ? Il y a une histoire. Une histoire de grâces, une histoire d'élections, une histoire de promesses. Le Seigneur a choisi Abraham pour partir avec son peuple. Au début de la messe, dans l'hymne d'ouverture, nous avons dit : « Dieu, quand tu sortis à la tête de ton peuple, quand tu marchas dans le désert, la terre trembla, les cieux même fondirent en face de Dieu. » Il y a une histoire de Dieu avec son peuple. Et c'est pourquoi, lorsqu'on demande à Paul d'expliquer la foi en Jésus-Christ, il ne commence pas par Jésus-Christ : il commence par l'histoire. Le christianisme est une doctrine, oui, mais pas seulement. Ce ne sont pas seulement les choses que nous croyons : c'est une histoire qui porte une doctrine, la promesse de Dieu, l'alliance de Dieu, le choix de Dieu. Le christianisme n'est pas seulement une éthique. Oui, en effet, il y a des principes moraux, mais on n'est pas un chrétien avec seulement une vision éthique. C'est plus que cela. Le christianisme n'est pas une "élite" de personnes choisies pour la vérité, comme cela se manifeste parfois dans l'Église, n'est-ce pas ? Quand on dit par exemple “j'appartiens à telle institution, à tel mouvement qui est meilleur que le tien ou que celui-ci, ou tel autre”. Ce serait de l’élitisme et le christianisme ce n’est pas cela. Le christianisme consiste à appartenir à un peuple, à un peuple choisi librement par Dieu. Si nous n'avions pas cette conscience d'appartenir à un peuple, nous serions des "chrétiens idéologues", avec une toute petite doctrine qui affirme une vérité, une éthique, une morale et qui se croit une élite. Nous aurions le sentiment de faire partie d'un groupe choisi par Dieu, et les autres iraient en enfer ou, s'ils sont sauvés, ce serait par la miséricorde de Dieu, mais ils sont à part ... Et ainsi de suite. Si nous n'avons pas la conscience d'appartenir à un peuple, nous ne sommes pas de vrais chrétiens.

C'est pourquoi Paul part de Jésus, de son appartenance à un peuple. Mais souvent, souvent, nous tombons dans une vision partiale, qu'elle soit dogmatique, morale ou élitiste. Cette vision élitiste nous fait beaucoup de mal car nous perdons ce sentiment d'appartenir à un peuple saint et fidèle que Dieu a choisi en Abraham, à qui il a fait cette grande promesse – Jésus –, et qu’il a fait partir dans l’espérance en faisant alliance avec lui. Conscience d’être un peuple.

Je suis toujours frappé par le Deutéronome, je crois que c'est le chapitre 26, où il est raconté « qu’une fois par an, quand tu vas présenter tes offrandes au Seigneur, les prémices, si ton fils te demande : "pourquoi fais-tu cela ?", ne lui réponds pas "Parce que Dieu l’a ordonné. Non, dis-lui : "Nous étions un peuple, et le Seigneur nous a libérés...". Racontez l'histoire, comme Paul l'a fait ici. Transmettre l'histoire de notre salut. Le Seigneur dans le Deutéronome dit : Lorsque tu seras entré dans le pays que te donne en héritage le Seigneur ton Dieu, quand tu le posséderas et y habiteras tu prendras une part des prémices de tous les fruits de ton sol, les fruits que tu auras tirés de ce pays que te donne le Seigneur ton Dieu, et tu les mettras dans une corbeille. Tu te rendras au lieu que le Seigneur ton Dieu aura choisi pour y faire demeurer son nom.  Et le texte ajoute le fameux credo du Deutéronome : Tu prononceras ces paroles devant le Seigneur ton Dieu : « Mon père était un Araméen nomade, qui descendit en Égypte : il y vécut en immigré avec son petit clan. C’est là qu’il est devenu une grande nation, puissante et nombreuse ».

Ils y sont restés pendant 400 ans, puis le Seigneur les a libérés, les a portés. Il chante l'histoire, la mémoire d'un peuple, la conscience d'être un peuple.

Et dans cette histoire du peuple de Dieu, jusqu'à Jésus-Christ, il y a eu des saints, des pécheurs et beaucoup de gens simples et bons, avec des vertus et des péchés. La fameuse "foule" qui suivait Jésus avait aussi le sentiment d'appartenir à un peuple. Si quelqu’un se dit chrétien et n'a pas ce sentiment, il n'est pas un vrai chrétien car il se croit justifié sans le peuple. Appartenir à un peuple, faire mémoire du peuple de Dieu. Paul enseigne cela, et Étienne, et les Apôtres ... Et n’oublions pas le conseil de l'auteur de la Lettre aux Hébreux : Souviens-toi de tes ancêtres", c'est-à-dire de ceux qui t’ont précédé sur ce chemin du salut.

Si quelqu'un me demandait : "En quoi les chrétiens d’aujourd'hui, et les autres, dévient-ils ? Quelle serait pour vous la déviation la plus dangereuse pour les chrétiens", je dirais sans aucun doute : le manque de mémoire de l'appartenance à un peuple. Quand cela fait défaut, alors arrivent le dogmatisme, le moralisme, les mouvements élitistes, mais le peuple a disparu. Un peuple pécheur, certes, car nous sommes tous des pécheurs, mais qui ne se trompe généralement pas, qui a le sentiment d’être d'un peuple choisi, qui suit une promesse, et qui a fait une alliance qu’il ne respecte peut-être pas, mais il le sait…

Demandez au Seigneur cette conscience d’appartenir à un peuple, que la Vierge a si bien chantée dans son Magnificat, et que Zacharie a si bien chantée dans son Benedictus, deux chants que nous récitons chaque jour, matin et soir. Conscience d’être un peuple : nous sommes le peuple fidèle et saint de Dieu qui, comme le dit le Concile Vatican I puis le Concile Vatican II dans son ensemble, a le sentiment de la foi, et est infaillible dans sa façon de croire.

 

Communion spirituelle

Mon Jésus, je crois que tu es vraiment présent dans le Saint-Sacrement de l'autel. Je T'aime par-dessus tout et Te désire dans mon âme. Puisque je ne peux pas Te recevoir maintenant sacramentellement, viens au moins spirituellement dans mon cœur. Comme si Tu étais déjà venu, je T'embrasse et en toutes choses je m’unis à Toi. Ne permets que je me sépare de Toi.