Homélie du pape François à la chapelle Sainte Marthe � 2 mai 2020

Homélie du pape François à la chapelle Sainte Marthe � 2 mai 2020

Prions aujourd'hui pour les dirigeants qui ont la responsabilité de prendre soin de leurs peuples en ces temps de crise : chefs d'État et de gouvernement, législateurs, maires, présidents de régions... Pour que le Seigneur les aide et leur donne la force, car leur travail n'est pas facile. Et pour qu’ils comprennent qu'en temps de crise, ils doivent être très unis pour le bien des peuples, car l'unité est supérieure au conflit.

Aujourd'hui, samedi 2 mai, 300 groupes de prière se joignent à nous pour prier. On les appelle, en espagnol, les "madrugadores", c'est-à-dire les "lève-tôt". Ils nous rejoignent aujourd'hui, en ce moment même ils sont avec nous.

 

La première lecture commence ainsi : L’Église était en paix dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie ; elle se construisait et elle marchait dans la crainte du Seigneur ; réconfortée par l’Esprit Saint, elle se multipliait. Un temps de paix. Et l'Église grandit. L'Église est tranquille, elle a le réconfort du Saint-Esprit, elle est consolée. De bons moments... Les Actes racontent ensuite la guérison d'Énéas, puis Pierre ressuscite Tabitha... autant de choses qui se font en paix.

Mais il y a des temps qui ne sont pas des temps de paix dans l'Église primitive : des temps de persécution, des temps difficiles, des temps qui mettent les croyants en crise. Des temps de crise. Et une période de crise, c'est ce dont nous parle saint Jean aujourd'hui. Ce passage de l'Évangile vient après d’autres événements : la multiplication des pains, les foules qui veulent faire de Jésus leur roi, Jésus qui va prier et la foule ne le trouve pas, le lendemain ils vont le chercher, Jésus leur reproche de le chercher pour leur donner de la nourriture et non pour les paroles de la vie éternelle...Et toute cette histoire se termine avec leur demande : Donne-nous toujours de ce pain-là, et Jésus explique que le pain qu'il donnera est son corps et son sang.

Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, déclarèrent : Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ? Jésus avait dit que celui qui ne mangerait pas son corps et son sang n'aurait pas la vie éternelle. Jésus avait également dit : Celui qui mange ma chair et boit mon sang, moi je le ressusciterai au dernier jour. C’est ce que Jésus a déclaré et ils réagissent en disant : Cette parole est rude ! C'est trop dur. "Il y a quelque chose ne va pas. Cet homme a dépassé les limites". Et survient une période de crise. Il y a eu des moments de paix et des moments de crise. Jésus savait que les disciples murmuraient, mais il y a une différence entre les disciples et les apôtres. Les disciples étaient 72, ou plus, et les apôtres étaient douze. Jésus savait en effet depuis le commencement quels étaient ceux qui ne croyaient pas, et qui était celui qui le livrerait. Et avant cette crise, il leur rappelle : Voilà pourquoi je vous ai dit que personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père. Jésus reprend cette idée d’être attiré par le Père : le Père nous attire vers Jésus. Et c'est ainsi que la crise est résolue.

À partir de ce moment-là, de nombreux disciples cessèrent de l’être, et ne le suivaient plus. Ils ont pris leurs distances. "Cet homme est un peu dangereux, un peu... Certes il y a ses paroles... Oui, c'est un homme bon, il prêche et guérit, mais après il y a ces choses étranges... Allez, venez, on s’en va" (cf. v. 66). C’est la même attitude que les disciples d'Emmaüs, au matin de la résurrection : des femmes de notre groupe nous ont remplis de stupeur. Quand, dès l’aurore, elles sont allées au tombeau… "Mais ça sent le roussi", ont-ils pensé, "partons vite parce que les soldats vont venir nous crucifier". Les soldats qui gardaient le tombeau ont agi de la même manière : ils avaient vu la vérité, mais ils ont alors préféré vendre leur secret : "mettons-nous à l’abri ; ne nous mêlons pas de ces histoires, elles sont dangereuses".

Un moment de crise est un moment où il faut choisir, où il faut prendre des décisions ; nous en avons tous eu et nous aurons des moments de crise dans la vie. Crises familiales, crises matrimoniales, crises sociales, crises du travail, de nombreuses crises... Cette pandémie est aussi un moment de crise sociale.

Comment réagir dans ces moments de crise ? À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner. Jésus demande alors aux apôtres : "Jésus a alors dit aux Douze : Voulez-vous partir, vous aussi ? Prenez une décision. Et Pierre fait la deuxième confession : Simon-Pierre lui répondit : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu. » Pierre confesse, au nom des Douze, que Jésus est le Saint de Dieu, le Fils de Dieu. Après la première confession – Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant –Jésus avait commencé à annoncer sa passion et Pierre l'avait arrêté : Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas, et Jésus lui avait fait de vifs reproches. Mais Pierre a mûri et ici, il ne lui fait pas de reproches. Il ne comprend pas ce que dit Jésus – manger sa chair, boire son sang – ; il ne comprend pas, mais il fait confiance au Maître. Il lui fait confiance. Et il fait cette deuxième confession : Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle.

Cela nous aide tous à vivre des moments de crise. Dans mon pays, il y a un dicton qui dit : "Quand tu montes à cheval et que tu dois traverser une rivière, s'il te plaît, ne change pas de cheval au milieu de la rivière". En temps de crise, soyez très fermes dans votre foi. Ceux qui sont partis, qui ont "changé de cheval", ont cherché un autre maître qui était moins dur, comme ils le lui ont dit. Dans les moments de crise, il faut persévérer, rester en silence et rester là où nous sommes, toujours. Ce n'est pas le moment de faire des changements. C'est le moment de la fidélité, de la fidélité à Dieu, de la fidélité aux décisions que nous avons prises depuis toujours ; c'est aussi le moment de la conversion parce que cette fidélité nous inspirera pour faire quelques changements, pour le bien, pour ne pas nous éloigner du bien.

Des moments de paix et des moments de crise. Nous, les chrétiens, devons apprendre à gérer les deux. Les deux. Certains pères spirituels disent que le moment de crise équivaut à passer par le feu pour devenir fort. Que le Seigneur nous envoie l'Esprit Saint pour savoir résister aux tentations dans les moments de crise, pour savoir être fidèle à nos premiers mots, tout en espérant connaître des moments de paix. Pensons à nos crises : crises familiales, crises de voisinage, crises au travail, crises sociales dans le monde, dans notre pays... de nombreuses crises, de nombreuses crises.

Que le Seigneur nous donne la force, dans les temps de crise, de ne pas vendre notre foi.