Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout (Jean 13, 1).
C’est ainsi que Saint Jean, le disciple que Jésus aimait (cf. Jean 13, 23) – le disciple qui aimait son Maître au point de ne pas avoir peur de le suivre jusqu’au pied de la Croix –introduit le récit du début d’une journée où tant de choses devaient se passer.
Du Jeudi Saint au Vendredi Saint, comme dans tout le reste de la vie de Jésus, il n’est question que d’Amour, mais cette fois-ci d’un Amour qui a décidé de se donner jusqu’au bout, car il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis (Jean 15, 3). C’est cette preuve d’Amour que nous sommes invités à méditer ce soir. Dont nous sommes invités à nous imprégner. C’est en effet cet Amour-là que Dieu nous demande de Lui rendre et de rendre à nos semblables, en faisant preuve à notre tour d’une générosité qui ne devrait pas connaître de limites.
Que s’est-il passé jusqu’ici ? Qu’a fait le Christ pour nous jusqu’à ce jour où Il institue le sacrement de l’Eucharistie – qui nous donne ce merveilleux cadeau de la Présence Réelle – et le sacrement de l’Ordre – qui nous fait cadeau des prêtres, sans qui Dieu ne pourrait venir jusqu’à nous – ?
Notre Seigneur et notre Dieu, s’est tout d’abord fait homme : Il a grandi, Il a vécu parmi nous afin de mieux partager notre condition humaine et de mieux nous comprendre. Rien que cela est déjà une merveilleuse preuve d’Amour. Pensons en effet à ce que nous sommes capables de faire pour les autres, ou plus exactement au mal que nous avons à faire quelque chose pour eux, à comprendre leurs problèmes. Ne disons-nous pas, avec une facilité déconcertante, “ce n’est pas mon problème...” ? Jésus, Lui, nous dit : “Tu es mon problème, et c’est pour cela que je prends la nature humaine : afin de mieux te comprendre, afin de t’aider de l’intérieur, afin de t’apporter le réconfort et la chaleur de mon Amour”.
Merci, Seigneur, d’avoir voulu être si proche de moi, de mes besoins, de mes problèmes ...
Notre Seigneur et notre Dieu a voulu ensuite, tout au long de sa vie, faire et enseigner (cf. Actes 1, 1). Avec une pédagogie toute divine, Il a passé de longues heures, chaque jour, pendant sa vie publique, à montrer à ses disciples quel était le chemin qui mène au Ciel, c'est-à-dire à ce bonheur éternel auquel chaque être humain aspire du plus profond de son coeur. Ses enseignements nous sont destinés. Les miracles qui les accompagnent - qui sont à la fois la preuve de la véracité de cet enseignement, et la promesse que le Christ ne manquera pas de nous assister dans tous nos besoins - nous sont également destinés. Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie, dira le Christ (Jean 14, 6).
Merci, Seigneur, de T'occuper ainsi du bien de mon âme, et de me délivrer ton enseignement de manière aussi douce...
Demain, Vendredi Saint, nous méditerons le don que Jésus-Christ fera de sa vie, pour nous. Car c'est bien d'un don qu'il s'agit. Personne ne m'ôte la vie, c'est moi qui la donne (Jean 10, 18) expliquera Notre Seigneur dans la parabole du Bon Pasteur. Et cette mort est notre vie. Sans ce sacrifice suprême, nos péchés n'auraient pas été pardonnés, et les portes du Ciel seraient restées fermées. Mais fallait-il pour cela que le Christ souffre autant et soit condamné à cette mort ignominieuse ? Les Pères de l’Église et les théologiens sont unanimes. Comme l'explique saint Thomas d'Aquin, "une seule goutte de son Sang aurait suffi pour sauver le monde de tous ses péchés" (cf. Hymne Adoro te devote)
Alors pourquoi, Seigneur ? Pourquoi tant de souffrances ? Là encore, une seule réponse, une seule raison : Ton Amour pour nous est Si grand que Tu ne veux pas y mettre de limites et que Tu acceptes l'inacceptable. Nous nous en rendons d'autant mieux compte que nous voyons ce que nous sommes capables d'inventer comme excuses lorsqu'il s'agit de faire un petit sacrifice pour Toi.
Pardon, Seigneur, pour notre manque de générosité, et Merci, Seigneur, de cet Amour sans bornes dont Tu fais preuve sur la Croix et dans le silence de Ta Passion...
Mais aujourd'hui nous sommes invités à méditer la merveille du sacrement de l'Eucharistie, véritable folie d'amour. Car, comme l'explique saint Jean, Notre Seigneur s'y donne jusqu'au bout.
Ceci est mon Corps, livré pour vous ... Ceci est mon Sang, versé pour vous. Nous entendons souvent ces paroles prononcées pour la première fois par le Christ devant ses apôtres dans l'intimité du dernier repas qu'il prend avec eux. Mais il ne s'agit pas ici d'un repas comme les autres. Le Christ est en train d'instituer un sacrement, un signe, qui sera réalisé, signifié, le lendemain sur la Croix. Le pain n'est pas seulement le signe de son Corps. Il EST son Corps, le Corps du Christ, livré pour nous.
Mais cette folie d'amour ne s'arrête pas là : Il ne se contente pas de livrer son Corps un jour, une fois. Il veut que son Corps reste parmi nous. Il veut que nous puissions nous nourrir de son Corps. Il veut pénétrer en nous pour mieux nous sanctifier. Il veut rester présent dans tous les tabernacles du monde pour que nous puissions venir Le trouver à n'importe quel moment. Il aurait pu se contenter de nous dire : « vous penserez à moi, vous me parlerez et vous vous imaginerez que je vous entends ; je serai spirituellement présent au milieu de vous... ». Mais il nous dit « je reste avec vous, je suis vraiment, réellement, substantiellement présent au milieu de vous, et je me fais nourriture pour que vous puissiez mieux me posséder, pour que je sois davantage disponible, pour que vous ayiez en vous ma force divine... »
Voilà pourquoi, après avoir institué le sacrement de l'Eucharistie, le Christ dit à ses Apôtres : Vous ferez cela en mémoire de moi. Il en fait des prêtres. Les prêtres deviennent ainsi ceux qui ont le pouvoir de transformer le pain en Corps du Christ et le vin en Son Sang. À chaque fois qu'ils célèbrent la Messe, ils renouvellent le Sacrifice de la Croix, sur laquelle le Christ se donne à nous, et ils nous rendent présent le cadeau qu'il nous fait de son Corps.
C'est cela que nous sommes en train de méditer ce soir : la folie d'amour que représente la Présence Réelle du Christ dans le Tabernacle. Parce que Tu es là pour nous, Seigneur, sans défense, à notre entière disposition, présent dans un peu de pain pour que nous puissions Te recevoir, nous nourrir de ce "Pain des Anges".
Tu es là sans défense. Tu t'exposes à l'indifférence, à la solitude, comme Tu t'y es exposé pendant Ta Passion. Lorsque Tu as demandé à trois de tes disciples de t'accompagner dans la nuit du jeudi au Vendredi – Veillez et priez... –, ils se sont endormis de tristesse (Luc 22, 45). Ils n'ont pas été capables de T'accompagner et de T'apporter un peu de réconfort. Alors, Seigneur, permets-nous d'oser Te dire que nous ne voulons pas T'abandonner.
Notre présence ici cette nuit voudrait en être la preuve : nous sommes là pour Te tenir compagnie dans ce Reposoir qui nous rappelle la nuit que Tu as passée à prier pour nous avant d'entrer dans Ta Passion.
Mais nous voudrions surtout que notre présence ici ce soir ne soit pas comme un feu de bengale, qui ne dure qu'un instant.
Nous essaierons, j'essaierai, Seigneur, de ne jamais Te traiter avec indifférence, de ne pas Te laisser seul, mais de T'emmener avec moi dans mes occupations, dans ma tête et dans mon coeur, où que je sois : au travail, à la maison, dans mon repos, dans mes joies et mes peines, dans mes soucis, dans mes réussites et mes échecs.
J'essaierai aussi, Seigneur, pourquoi pas, de venir Te trouver, ne serait-ce que quelques instants, à chaque fois que je passerai devant un Tabernacle. Je prendrai “quelques minutes de mon précieux temps” pour Te dire que je T'aime, que je veux essayer de T'aimer comme Tu m'as aimé...
Tu es à mon entière disposition, Seigneur, et je ne m'en rends même pas compte. Nous sommes si égoïstes, nous les êtres humains, que nous en arrivons même à penser que lorsque nous faisons quelque chose pour Toi ou pour nos frères les hommes, nous sommes en train de Te rendre service ! Et nous espérons que Tu nous en seras reconnaissant un jour, ou que nos semblables le seront !
Seigneur, que cette nuit de prière nous fasse comprendre une bonne fois pour toutes que ce n'est pas tant nous qui Te servons que Toi qui nous sers, et restes à notre disposition, car Tu n'es pas venu pour être servi, mais pour servir (cf. Luc 22, 27) ; et Tu nous le prouves constamment, même si nous sommes aveugles au point de ne pas nous en apercevoir.
Merci, Seigneur, d'être toujours là, alors que moi je suis si souvent absent...
Tu es là pour être notre nourriture. Le comprenons-nous bien ? Lorsqu'une mère s'occupe de son enfant nouveau-né, lorsqu'elle vient de lui donner son bain et l'a emmitouflé dans une serviette, vient ensuite le moment de lui faire un câlin. Il n'est pas rare qu'elle lui dise alors « Oh ! je te mangerai... ! ». Évidemment elle n'en fait rien. Mais le Seigneur, lui, nous le dit à chaque fois que nous allons Le recevoir dans la Communion : « mange-moi » ! Y a-t-il plus grande folie d'amour que de nous dire cela ?
Que cette bonté de Dieu nous fasse réfléchir à la manière dont nous allons communier.
Ne permets pas, Seigneur, que j'aille accomplir ce geste de façon machinale ou sans m'y être suffisamment préparé.
Fais-moi comprendre, Seigneur, que je dois Te recevoir avec un coeur pur et une intention droite.
Aide-moi à vaincre le respect humain et la paresse qui m'empêchent Si souvent d'aller me réconcilier avec Toi dans le sacrement de la Pénitence avant d'aller Te recevoir dans la Communion.
Merci, Seigneur, de me pardonner mes offenses, de nourrir mon âme, de me donner Ta force pour m'accompagner sur le chemin du Ciel, car sans Toi nous ne pourrions rien faire (cf. Jean 15, 5).
Que la Vierge Marie, qui méditait toutes ces choses dans son coeur, et qui aimait son Fils plus que personne, nous apprenne à comprendre la folie d'Amour de son Fils, et à devenir à notre tour fous d'amour pour Lui.